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  • Photo du rédacteurAissata Sylla

Découvrez Ahoé : Une Série née de la passion et du crowdfunding

Il y a quelques semaines, lors d’une de mes recherches perpétuelles de nouvelle série à regarder, je suis tombée sur Ahoé, une web série togolaise. Curieuse de découvrir l’univers de l’audiovisuel togolais, je me lançais!


Dès les premières minutes, je compris que la série serait majoritairement en Mina - une des langue principales du Togo - avec des sous titres disponibles en Français et en Anglais. Dans un élan de paresse, j’ai effleuré l’idée de remettre cette série à plus tard. Pourtant, je me suis vite rappelée que je venais de regarder toute une saison de Love Is Blind en Suédois, et que j’avais acquis mes bases de Wolof avec Maîtresse d’un homme marié… je n’avais donc aucune excuse.


10 épisodes plus tard, je n’avais aucun regret. Ahoé raconte l’histoire d’Eli Doussi, un jeune togolais vivant en France depuis une dizaine d'années, qui fait son grand retour au pays pour des circonstances malheureuses: le décès de sa maman. Si vous avez déjà assisté à des funérailles en Afrique, vous savez déjà que son séjour ne pouvait qu’être mouvementé! Cette première saison explore la complexité des dynamiques familiales, le choc culturel ressenti par les diasporas qui rentrent au pays, l’amour, la trahison et le rapport à l'argent. 


Tous ces thèmes sont abordés avec une qualité d’image irréprochable, une trame solide et un jeu d'acteur convaincant. Cette première saison était aussi une belle immersion dans la culture togolaise. Je découvrais de nouveaux artistes togolais en dehors des incontournables Toofan, je salivais devant les plats d’ayimolou et je rêvais de pouvoir profiter des beaux paysages du Blue Turtle. En même temps, à travers les commérages hilarants du personnel de la maison Doussi et les défis que rencontraient les couples de la série, je me rappelais que certaines réalités socio-culturelles traversent les frontières.


Tout cela pour dire que j’ai eu un vrai coup de cœur pour cette série. Imaginez alors ma surprise lorsque j’appris qu’aucun acteur ni membre de la production d’Ahoé n’avait été rémunéré! Eh oui, cette série a vu le jour grâce à une campagne de crowdfunding en ligne, mais surtout grâce au travail acharné et au dévouement de créatifs togolais, qui ressentaient le besoin urgent de raconter leurs histoires, à leur manière, et surtout sans contraintes.


En effet, il aurait fallu au moins 150 millions de FCFA (250 000 USD) pour financer cette première saison. Cependant, quand il en vient à la production audiovisuelle dans plusieurs pays Africains, l’accès au financement reste un parcours du combattant.  Nombreuses sont les séries qui n’ont jamais vu le jour, ou qui ont dû s'arrêter en cours de route par manque de fonds. La plupart du temps, les créateurs de séries collaborent avec des grands groupes médias ayant une présence panafricaine. Ceux-ci acceptent de financer et co-produire leurs projets en échange des droits de diffusion. Cet accord vient bien sûr avec son lot de conditions dont l'objectif est d'avoir un contenu apte à toucher le maximum de personnes dans le maximum de pays. Les créateurs doivent ainsi faire attention aux sujets abordés, à la langue du contenu, à la direction artistique, etc… Ce modèle a créé plusieurs séries à succès, mais a aussi contribué à un univers médiatique malheureusement limité et aseptisé.


Angela Aquereburu et Madie Foltek, les créatrices d’Ahoe ont longtemps baigné dans ce monde. En effet, elles ont ensemble créé les séries à succès Oasis sur Canal + et Hospital IT sur TV5 monde. Mais cette fois ci, elles ont décidé de défier les codes de leur industrie et de raconter une histoire qui serait pour les togolais, par les togolais, sans contraintes, et accessible à tous. Le sacrifice financier nécessaire pour matérialiser cette ambition n’a pas été des moindres, mais l'enthousiasme avec lequel cette première saison a été reçue est plus qu’encourageant. Ahoé a enflammé la toile togolaise avec plus de 600 000 vues en 3 mois sur leur premier épisode, suscitant l'intérêt des diffuseurs locaux, et les félicitations de la primature Togolaise pour la qualité du projet.


La triste réalité est qu'Ahoé n'aurait probablement pas reçu le financement des grands groupes média. Le simple fait que la série soit en Mina, langue parlée par très peu de personnes en Afrique, aurait été un grand point de contention. Cependant, son succès est un rappel que plusieurs communautés ont plus que soif d’histoires qui relatent leurs vécus de manière authentique. À défaut de cela, ils se contentent d’histoires approximatives, venant d’ailleurs. Toutefois, lorsque ce contenu authentique leur est offert, il est consommé sans modération et éventuellement exporté, contre toutes attentes. Le boom des séries sénégalaises nous l'a montré, et Ahoé ne saurait tarder à suivre cette trajectoire.


Il serait temps que l'industrie s'adapte à cette tendance et normalise la prise de risque éditoriale. Il y a tellement d'histoires à raconter, mais surtout de l'argent à se faire sur ces histoires!  Mais puisque les choses ne changeront pas du jour au lendemain, Ahoé nous offre la possibilité de participer de manière concrète à la révolution créative du continent. Le nombre de vues est un indicateur important pour les créateurs de contenu, donc je vous encourage vivement à vous délecter de cette première saison pleine de rebondissements. Et si vous aimez ce que vous avez vu, vous pouvez aussi aider la production à récolter les 200 millions de FCFA ($330K USD) qu’il leur faut pour une 2ème saison en faisant un don ici.

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