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  • Photo du rédacteurAissata Sylla

La violence policière: une réalité Africaine





Depuis quelques semaines, le décès tragique de George Floyd à Minneapolis a déclenché une vague de dénonciation du racisme systémique et des violences policières aux États-Unis mais aussi à travers le monde entier. De la France au Pakistan au Canada, des milliers de personnes ont bravé les risques de la pandémie COVID - 19 pour manifester contre ces injustices et rappeler qu'elles vont au delà des frontières américaines.


Les pays Africains quant à eux, ont été timides dans la dénonciation des injustices locales, mais ne ne sont pas abstenus à s'exprimer sur la situation aux États-Unis. Les autorités politiques telles que le président Ghanéen Nana Akufo-Addo et la CEDEAO ont présenté leurs condoléances tout en condamnant le racisme et les violences policières. Du côté de l'opinion publique, nombreux ont été ceux qui, par solidarité avec les noirs américains, ont souhaité leur retour sur la terre mère, où leur droit à la vie ne serait pas lié à leur couleur de peau. Pouvons nous donc supposer que le continent africain ne fait face à aucune des injustices dénoncées dans le reste du monde?


Bien que le racisme ne soit pas en haut de la liste des problèmes des pays d'Afrique subsaharienne, on ne peut pas en dire de même sur les violences policières qui sont omniprésentes dans le quotidien des populations, au point d'être banalisées.


Au cours de la dernière semaine du mois de mai uniquement, au moins 3 personnes perdaient la vie aux mains des forces de l'ordre. Le 21 mai, en République Démocratique du Congo, un militant au nom de Freddy Kambale perdait la vie après avoir reçu une balle dans la tête, tirée par un agent de la police lors d'une manifestation pacifique organisée par le mouvement "Lutte pour le changement". Le 26 mai, au Nigeria, la jeune Tina, âgée de 16 ans se faisait tirer dessus sans raison particulière, à un arrêt de bus proche de chez elle, par un policier qui selon certaines rumeurs, aurait été en état d'ébriété. Le 28 mai au Togo, Agbende-Kpessou Hega aussi appelé Mohamed, perdait la vie après une altercation avec des forces de l'ordre.


Ce genre de tragédies n'ont rien d'inhabituel sur le continent. La liste est longue et inquiétante. La crise de la COVID - 19 est l'exemple parfait pour illustrer l'étendue de ces violences à travers le continent. Des humiliations aux meurtres, tous les moyens ont été utilisés pour faire respecter les mesures de sécurité. Nombreuses ont été les videos sur les réseaux sociaux, qui montraient les techniques créatives, mais violentes et humiliantes utilisées. Certaines personnes se faisaient battre et d'autres étaient forcées à divertir les policiers en dansant. Pendant ce temps, les internautes en riaient, tout en réprimandant les victimes, qui auraient mérité ce traitement.


Certains cas étaient plus extrêmes. Des vidéos montrent la police sud africaine entrain de tirer dans les rues de la ville, pour inciter les gens à rester chez eux. À Mombasa au Kenya, des gaz lacrymogènes ont été utilisés pour disperser des centaines de personnes à l'approche du couvre feu. En Ouganda, la police avouait avoir blessé par balle deux hommes qui auraient tenté de désobéir aux restrictions de déplacement. Je pourrais continuer, mais ces exemples devraient être suffisants pour comprendre l'ampleur de la situation.


Dans la majorité des cas qui sont exposées au grand public, les autorités politiques s'empressent à suspendre les policiers concernés et à ouvrir des enquêtes qui n'aboutissent que très rarement, pour donner une impression d'attention, de justice et de maîtrise de la situation. Ces instances de violence policière sont présentées et traitées comme le problème de certains policiers déviants qu'il faut punir, mais la persistance de ces "déviances" met à jour les failles profondes de cette institution qu'est la police.


Dans le contexte africain, la défaillance de la police ne se manifeste pas uniquement dans sa violence, mais aussi dans sa négligence et son manque conviction pour la défense des populations. Le fait qu'un conducteur sans permis de conduire puisse s'en sortir en donnant un petit billet aux agents de contrôle routier est un signe de défaillance. Le fait qu'une victime de violences sexuelles ou conjugales ne se rende pas au commissariat par peur des moqueries ou représailles des policiers est également un signe de défaillance.


La police, initialement mise en place pour assurer la sécurité, représente en réalité une menace pour les populations et joue un rôle non négligeable dans le dysfonctionnement de la société. L'histoire a démontré que le problème ne vient pas uniquement des individus qui constituent les forces de l'ordre, car ceux ci ne font que mettre en pratique les valeurs et techniques qui leur ont été transmises lors de leur formation. Le vrai problème, c'est l'institution en elle même, ses mécanismes, ses valeurs, et le pouvoir qui lui est octroyé.


Cet échec de la police à assurer sa fonction initiale est visible à l'échelle mondiale et a poussé les intellectuels des quatres coins de la planète à imaginer un monde sans police. Il s'agirait intiallement de diminuer le budget alloué à la police, de sorte à redistribuer les fonds vers des initiatives communautaires qui luttent contre les causes de violence dans la société. Par exemple, les budgets pourraient prioriser le combat contre la pauvreté et les inégalités sociales, qui sont une des causes premières de l'insécurité dans plusieurs pays. Au delà de l'allocation financière, il s'agirait également de redéfinir les offenses qui valent la peine d'être criminalisées, de mettre en place des techniques d'intervention et de médiation qui ne requièrent pas le port d'armes, et de repenser le système judiciaire actuel.


Pour l'instant, la majorités de ces réflexions ont été effectués dans des contextes occidentaux, mais se doivent d'être explorées sur le continent Africain. Je vous invite donc tous à inclure l'Afrique et ses réalités dans vos réflexions et dans vos actions engagées, car bien que noyée dans le tourbillon de défis auquel le continent fait face, la violence policière est belle et bien un fléau auquel l'Afrique n'a malheureusement pas échappé.


Sources



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