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Interview avec Tatou Dembele

  • Photo du rédacteur: Aissata Sylla
    Aissata Sylla
  • 17 août 2016
  • 8 min de lecture

Tatou et son oeuvre Reina

La jeunesse africaine bouillonne de créativité et de détermination pour reconstruire le monde selon sa vision. Nous voyons naître de plus en plus d’initiatives innovatrices et nous nous devons de les célébrer et de les encourager. En plus, se familiariser avec des exemples de réussite est la technique parfaite pour rester motivé et inspiré.

C’est dans cette optique de célébration et de recherche d’inspiration que je vous propose de découvrir avec moi Tatou Dembele.

Tatou a l’entreprenariat dans le sang. Elle a la chance de vivre ses passions dans son quotidien et de permettre au monde d’en profiter. Artiste peintre venant de réaliser sa première exposition, elle vend son art de manière originale sous forme de tableaux, de portraits sur commande, d’étuis de téléphones et de pochettes pour ordinateurs. Elle est également le cerveau derrière la plateforme digitale « Ivorian Food » dont le but est la promotion de la gastronomie ivoirienne. Et pour couronner le tout, elle est étudiante en Master de marketing digital à l’université du Québec à Montréal. Et j’oubliais ! Elle n’a que 24 ans, oui, juste 24…

J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec elle pendant son exposition d’art à Montréal, et je suis ressortie de cette conversation pleine admiration pour son travail, motivée plus que jamais à changer le monde, mais surtout d’humeur très joyeuse. Tatou regorge d’énergie, d’humour et de pensées positives. S’il y a bien une chose que j’ai retenue de cette entrevue, c’est qu’il ne faut pas hésiter à se lancer dans ce qui nous motive et nous passionne, c’est la recette du bonheur. Je vous laisse donc lire notre petit entretien qui ne donne qu’un aperçu de la remarquable personne qu’est Tatou Dembele.

Aujourd'hui, pour ceux qui te connaissent, lorsqu’on entend Tatou Dembele, on pense directement aux peintures, ou encore à « Ivorian food ». Mais comment est-tu arrivée là où tu es aujourd’hui ?

J'ai commencé à peindre et à dessiner depuis super longtemps, et j'ai toujours aimé ça. Mais quelque part en 2013, j'avais l'habitude de faire les portraits de mes amis et j’ai fait celui d'un ami plutôt connu sur les réseaux sociaux qui l’a publié partout. Du coup, les gens sont venus sur mon profil Facebook et ont commencé à me poser pleins de questions. À ce moment-là, je me suis dit "tiens c'est quelque chose que les gens ont l’air de bien aimer. Donc, pourquoi ne pas essayer de l'exploiter un tout petit peu ?”. Et puis tranquillement surement, j'ai commencé à peindre de plus en plus et à publier sur Facebook et Instagram. Je pense que ce qui m’a aidé, c'est le fait que j'ai souvent fait des portraits de stars qui ont été republiés par les stars elles même. Il y a eu par exemple Didier Drogba, Davido, Jay Max et Iyanya. Ce qui m'a apporté plus de visibilité. C'est pour ça aujourd'hui que Tatou Dembele est là.

Il y a beaucoup de gens qui sont à la recherche de leurs passions. Comment as-tu découvert que dessiner était ta passion?

Ma mère est éducatrice de jeunes enfants. Donc depuis toute petite, je suis impliquée dans tout ce qui touche à la créativité. Ça fait donc longtemps que je suis dans les paires de ciseaux, les crayons, etc… J'avais l'habitude gribouiller partout, même dans les cahiers de mes grands frères -au point où ils voulaient me taper quelques fois (Rires)-. En plus à l'école, je prenais les cours d'art très sérieusement. J'étais bonne là-dedans et chaque fois qu'il y avait des travaux à rendre en art, mes amis me demandaient de le faire pour eux. J'aimais ça.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Je peints mes émotions. Je peints ce que je ne suis pas capable de dire. Je parle beaucoup, mais j'exprime très peu mes sentiments. C'est difficile pour moi. Donc ce sont des choses que je peints ou que je dessine. Je me rappelle que j'avais fait un dessin d'une petite fille et sa maman, et j'ai appelé ce dessin-là Aicha, le nom de ma maman. Et c'était à une époque où elle me manquait tellement, au point où je n'arrivais pas à me l'expliquer. Et j'ai mis ce dessin sur Facebook, et elle a tout de suite compris parce qu'elle sait que c'est comme ça que je communique et que j’extériorise mes sentiments.

Quel message voulais-tu faire passer à travers cette 1ere exposition ?

Le titre de l'expo - Visages : Peintures et Illustrations- m'a permis de cadrer le message de l’exposition. Ma première collection de peintures a commencé en 2013 par un portrait de fille que j’ai appelé la fille au visage d'or. C'est le portrait qui est sur l'affiche de l'exposition. Et c'était un visage. Je me suis dit que la suite logique serait de peindre des visages de femmes qui reflètent la quiétude ; de femmes différentes qui s’assument, sans complexes, sereines, qui n'ont pas peur de montrer leurs imperfections. C’est ce qui fait la beauté de la femme noire. Et je me suis rendue compte que dans mes travaux, il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes. C'est quelque chose que je ne fais pas exprès, simplement parce que je suis habitée par l’idée que la femme est la source de tout. En passant par l'éducation de l'enfant et même dans un couple, c'est le noyau. C’est donc tout naturellement que ma 1ere exposition a porté sur la femme africaine, aux multiples visages, avec ses cheveux afro et bien crépus qu'elle assume.

Tu es aussi passionnée par tout ce qui concerne le web design et la technologie…

J'ai toujours adoré les Sims (1). J'ai commencé à explorer mon ordinateur en jouant aux Sims, en personnalisant mes personnages, en allant dans les dossiers des fichiers pour voir comment c'est construit, comment fabriquer un vêtement, me rendre compte que pour fabriquer un vêtement, il faut que tu passes sur un logiciel d’édition d'images et ainsi de suite. Je personnalisais tellement mes Sims qu'à un moment, j'ai commencé à faire des vidéos de coupé décalé Sims 2. À l'époque j'étais une fanatique (2) de DJ Arafat et sa chanson « Kpangor » était très à la mode. J’ai regardé la vidéo et j'ai fait une copie conforme de la vidéo, version Sims. J'ai l’ai mise sur YouTube, il y a eu près de 90000 vues sur la vidéo. Et tranquillement surement, j’ai découvert toute la suite adobe. Tout a commencé avec les Sims.

En plus d'être peintre, tu es aussi la créatrice de la plateforme Ivorian Food. Quelle est l'histoire derrière cette plateforme et comment est-ce que ça a pris l'ampleur que ça a aujourd’hui ?

Au tout début de Facebook, il y avait une multitude de pages de cuisine, mais pas de pages de cuisine africaine. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de créer Ivorian Food en 2008. Je mettais des photos de cuisine ivoirienne prises sur internet et le public venait aimer et commenter. En 2010, la page est passée de 2000 « j’aime » à 10, 20, 30000 ; puis de 50 à 80 000 en 2014-2015. C’est à partir de là que j’ai pris conscience que c'était une base de données importante. En 2015, J'ai commencé à me concentrer sur la qualité, en allant chercher du contenu qui n'est pas forcement sur internet. J'ai lancé le site web en 2015 avec un contenu unique jamais vu ailleurs (les photos, recettes, tout). Le public a vraiment aimé. En début 2016, j’ai rencontré un développeur Android avec qui j’ai travaillé sur une application mobile. Cela nous a pris à peu près 6 mois pour aboutir à un joli produit. J'ai donc sorti l’application mobile et beaucoup de gens s'y intéressent. Nous serons bientôt 20 000 sur Instagram. J'ai monté un réseau de contributeurs qui postent pour moi. Je peux m’absenter pendant 2 semaines et le système continue de tourner. Ce sont des personnes toutes aussi passionnées et soucieuses du détail que moi, qui apportent leur propre contenu. Ivorian Food ce n’est pas juste moi, c'est vous, c'est nous, c'est une communauté. L'idée de Ivorian Food c'est d'en faire une plateforme de référence pour la cuisine ivoirienne et par extension africaine. C'est recréer l'environnement gastronomique ivoirien sur ton téléphone ou son ordinateur.

En Afrique, les passions sont souvent vues comme des loisirs et on a tendance à orienter nos choix de carrière vers des filières plus classiques et moins risquées. Comment est-ce que la poursuite de tes passions est perçue par ta famille et ton entourage dans ton pays d’origine?

Les membres de ma famille sont mes plus grands supporteurs. Quand ils ont vu que Didier Drogba a re-publié son portrait, là ils ont dit : la petite, elle a de l'avenir, c'est le moment de la supporter (Rires). Mais plus sérieusement, papa et maman n'ont jamais eu de problème avec mes activités. Tant qu'à l'école ça suit, tout est bon. Parce que l'école est tout aussi importante. Tout ce que je fais est bien fun, mais si ça ne marche pas, l'idée c'est d'avoir un plan B que j’aime et dans lequel je me sens bien. Il n'y a jamais vraiment eu de problème. Je me souviens même quand j'ai dit “papa, maman, je fais une exposition", la première réponse a été “Ahhh on aurait trop voulu être là !”. Ils étaient vraiment contents.

Qui sont tes modèles ?

Ma maman. Maman parle beaucoup comme moi. Elle est très fun. Et même mes frères me disent tout le temps que je lui ressemble trop. Avec ma mère c'est la joie de vivre, mais elle sait être stricte quand il faut. Je sais que plusieurs personnes auraient dit Maya Angelou, Oprah, etc... Mon modèle à moi, la personne que j'ai vu et que je connais, c'est ma maman.

Quel conseil donnerais-tu à toute jeune femme qui hésite à se lancer dans quelque chose qui la passionne ou qui a juste peur de sortir des parcours traditionnels ?

Pour moi : quand ton cœur veut vraiment quelque chose, toutes les énergies conspirent pour que ça fonctionne. Il faut se connaître soi-même, savoir ce que l’on veut, et ne jamais se limiter parce que cela fait partie de qui on est. Si tu penses que d'autres personnes peuvent bénéficier de ta passion, à ce moment-là, tu as le devoir de la poursuivre et de la partager avec les autres. Dans le bouquin l’alchimiste de Pablo Coelho, il dit que les gens doivent trouver leurs passions, leur talent caché, c'est ce pourquoi nous sommes sur terre. Une fois que tu l’as trouvé, tu deviens utile aux autres, à ta communauté.

Je suppose cette première exposition n'est que le début de grandes choses. Qu'est-ce que tu nous réserves pour le futur ?

Je ne sais pas. Je sais que ce qui va se passer après ce sera intéressant. Mais qu'est-ce que c’est ? Je ne sais pas encore. Et quelque part, c'est cela aussi la magie de la vie. C'est bien d'avoir une vision, mais il ne faut pas se détourner de la spontanéité.

L’Afrique fait-elle partie de tes plans ?

Clairement ! Il fait froid dans ce pays-là. J’ai adoré mon enfance et je l’ai passée en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, et en Tunisie. Ce sont des moments où je me sentais vraiment épanouie, ce qui fait que j'ai une vision très romancée de l'Afrique. J'imagine mes enfants grandir dans ce petit cocon là. Donc l’Afrique est dans mes projets. Et si je veux faire développer Ivorian Food, ce sera en Côte d’Ivoire.

Retrouvez Tatou et son travail sur:

www.tatoudembele.com

www.ivorianfood.com

(1)Sims : jeu vidéo de simulation de vie

(2)Fanatique : expression utilisée pour les fans de DJ Arafat, chanteur ivoirien de coupé décalé

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